Ces reliques solitaires d’usines de canne à sucre éteintes, auraient pu en compter environ 300, il y a environ un siècle et il en reste maintenant une quinzaine. Certes, il y en a beaucoup moins que 300, mais le développement et les calamités naturelles ont pris le dessus. En dépit de leur structure en pierre massive, beaucoup d’entre eux n’ont pas pu résister à la furie des vents cycloniques qui balayaient l’île avec une grande force. Leur hauteur a joué contre eux et à croire que ces cheminées doivent avoir été les premiers gratte-ciel de l’île Maurice, rendant automatiquement celles qui existent encore plus attrayantes.
Tous se ressemblent de loin mais aucune de ces cheminées n’est identique. En y regardant de plus près, vous constaterez que certains ont des sections carrées, tandis que d’autres sont arrondis. Leurs hauteurs et tailles de pierres utilisées dans leur construction diffèrent. Par exemple, la cheminée de Saint Aubin possède une tour partiellement conique qui servait également de moulin à vent. Celui d’Albion est composé de petites pierres rectangulaires avec son sommet en briques rouges.
La cheminée de Saint Antoine est ronde et sécurisée par des arceaux de fer à différents niveaux. De même, celle de Petit Village dans le Nord est de section ronde mais constituée de pierres de crépi. La cheminée d’Alma repose sur une base carrée. Celui de Ferney est en forme de pyramide et l’on croit que la canne à sucre a d’abord été plantée à Maurice dans la région de Ferney.
Les vestiges de l’une des meilleures cheminées restaurées se trouvent au Moulin Cassé, Grand Baie. Une autre cheminée frappante, visible depuis l’autoroute de Trianon, se trouve dans l’enceinte de l’usine de margarine et est en bon état de conservation. Avec la centralisation des sucreries à Maurice, l’usine de Trianon ne fonctionnait plus et fut progressivement démolie. Il ne reste que la cheminée et les casernes. Les camps ont été abandonnés et dans les années 1960, les casernes survivantes ont été témoins des derniers jours d’habitation humaine.
L’histoire de Trianon en tant que Société Sucrière est assez fascinante car elle a commencé au 18ème siècle. Dans un premier temps, Pierre Joseph de Foilleuse et M. Caracollier ont obtenu une concession foncière d’environ 18 hectares. De 1729 à 1793, le gouvernement colonial continue d’accorder des terres, ce qui entraîna l’expansion de Trianon. Finalement, en 1793, Paul Martin de Moncamp acquiert environ 550 hectares de terrain et installe le Trianon Sugar Estate.
Trianon était une grande propriété comprenant le moulin à sucre, la maison du propriétaire, et des camps pour les travailleurs et les champs de plantations de canne à sucre. Avant l’engagement, la population active se composait essentiellement d’esclaves. Avec l’avènement de l’immigration sous contrat, Jean Augustin, le propriétaire du domaine à l’époque, recruta un petit nombre de travailleurs indiens. À partir de 1852, la propriété appartenait à Belzim et Harel.
Un grand nombre de travailleurs sous contrat ont été amenés à ce moment-là. Dans les années 1870, le domaine s’étendait sur 900 acres de terre et employait 556 travailleurs sous contrat.
La Commission royale d’enquête a qualifié le domaine et ses travailleurs de «biens d’exception et de tous les éléments conservés dans les meilleures conditions».
Un autre ennemi de ces belles cheminées reste la croissance de la végétation. On peut se demander comment des arbres avec des racines épaisses et robustes poussent sur ces tours – sûrement le résultat de fientes d’oiseaux infestées de graines. Mais ceux-ci menacent sûrement la structure des cheminées car elles affaiblissent et craquent les murs de la structure pendant que les arbres grossissent.